Le pique-nique religieux
On assiste, dans notre société occidentale, à un déclin marqué des grandes religions : la décrépitude du protestantisme et du catholicisme par exemple (le nombre de fidèles se réduit comme peau de chagrin, les églises sont vides, les règles morales prescrites ne sont plus respectées). On aurait cependant tort de penser que le spirituel suive la même pente, car c’est en en vérité tout le contraire.
Le fait marquant de la spiritualité actuelle, c’est qu’elle se veut personnelle et non plus sociale ; elle était communautaire et fédératrice, elle est devenue privée. Ainsi, le croyant moderne ne se contente plus d’engranger toutes les préceptes dictés par son église, mais concocte lui-même son petit pique-nique au grand buffet métaphysique self-service: Une grande tasse de réincarnation, un soupçon de destinée et de libre arbitre, une pincée de morale transcendantale, et pourquoi pas quelques tranches de Jésus ou, un-deux miracles, saupoudrer ça et là de quelques signes et de quelques anges… A votre guise ! C’est l’heure de la religion do ti yourself, de la créativité spirituelle, profitez-en !
Il n’est pas gênant que les croyants s’approprient leur église, ainsi que les dogmes, mais si l’arbitraire de ces derniers choquait déjà dans la tradition, leur démultiplication ne fait qu’accroître encore un peu plus la visibilité de ce vice fondamental. Lorsque la foi est commune, les individus entre eux se renforcent mutuellement dans leur croyance et si une vision est partagée par le plus grand nombre, les occasions d’en douter sont plus rares. Dans notre société moderne dépourvue de vision commune, il n’y a plus de garant du dogme et la croyance mystique elle-même se met à fluctuer au rythme des événements quotidiens, ne tenant sa cohérence que de l’esprit qui l’a causée. Le spirituel véritable obéit, lui, à des loin beaucoup plus stables, et quiconque ne fait qu’envisager le religieux, ne peut s’empêcher de constater conceptuellement la nécessité de la persistance des principes fondamentaux et du contenu du dogme.
Pour conclure, je citerai Nabe en disant que tout croyant est un handicapé mystique; qu’il avale les doctrines majoritaire et prémâchées, ou qu’il se prépare lui-même sont repas dogmatique indigeste.