A quoi bon la philosophie (2)

Publié le par Antholan

Réponse à l'article précédent

Je suis de ton avis sur beaucoup de points. On entend dire aujourd’hui que la philosophie appartient au passé qu’elle ne s’étudie plus que comme un langage mort, un peu comme si nous nous bornions désormais non pas à la faire revivre, mais simplement de retransmettre de générations en générations cette « matière inerte ».

Je suis sidéré de voir que toute ces notions emmagasinées n’aident en rien, chez ceux qui étudie la philosophie,  à repenser plus concrètement leur façon de vivre, à remettre en question leur condition. La philosophie est morte dans le sens ou elle n’est plus qu’un jeu anodin, sans conséquences pour celui qui s’y intéresse. Elle interpelle tout au plus mais ne provoque pas de profonds bouleversements en l’homme. Mais alors, se peut-il que cette si noble branche, celle qui questionne sans cesse le sens de la vie, qui cherche des voies a un perpétuel dépassement de la condition humaine ait à ce point échouée à son but premier ? Tout philosophe qui se respecte devrait aujourd’hui aboutir à la révolte ou au suicide tant notre ère est antiphilosophique ! 

Je ne lance pas l’anathème à la va vite, j’ai en effet eu le temps d’observer, de lire, de me renseigner sur les différents phénomènes qui anesthésient les consciences. J’essaie encore de comprendre où a disparu le lien de causalité entre la pensée et l’action. Tout le problème réside ici ; qu’est ce qui empêche les individus d’aligner leurs actes sur leur pensée ?

 Bien évidemment, je te parle ici de ceux qui pensent, ceux encore dotés d’une faculté critique et qui peuvent sortir un peu la tête hors de cette hypnotique mascarade. Je ne saurais vraiment dire s’ils sont nombreux ou non à espérer, à vouloir le changement mais je pense tout du moins qu’en considérant le malaise général des citoyens vivant en occident, il y a fort à parier que beaucoup d’entre eux aspirent inconsciemment ou non à un autre mode de vie que celui qu’on leur impose. Je reprends, au risque de me répéter, cette statistique effarante élaborée dernièrement qui indique que nous travaillons plus aujourd’hui qu’au moyen-âge. Mais dois-je rappeler que nous sommes encore dans une démocratie ? Et donc que nous sommes cette fois-ci responsables de cet état de fait ? N’a-t-on pas eu le temps de remarquer que cette poursuite effrénée du progrès,  du consumérisme n’aidait en rien à maximiser le bonheur du plus grand nombre comme le souhaitait l’idéal de la libre entreprise et du libéralisme ?

Il n’y a pas que les médias, le marketing publicitaire, les innombrables divertissements, le carriérisme, l’esprit de compétition qui soient cause de cette aliénation et de la décadence des consciences. Bien que le joug de ces moyens ou méthodes occupe une place importante dans les choix de vie de beaucoup d’entre nous, ils ne nous leurrent pas complètement. Rares en effet sont les individus qui, pris en particulier, n’avoue pas  être réfractaire à la façon dont la société évolue. (Mettons de côté le 1% de la pop qui détient le 80% des richesses mondiales.)

Mais bien sûr, le quotidien nous rattrape ; la famille, la carrière, le besoin de sécurité font que nous choisissons malgré tout d’obéir à des lois que même le sens commun réfute. En bref, c’est la peur de l’inconnu qui nous maintient dans cette ornière. Oui, car comment se figurer le monde autrement que ce qu’il est ? A quoi un changement radical de notre mode de vie pourrait-il aboutir ? Les plus consciencieux me rétorqueront certainement que je divague, qu’ils sont acteurs des modifications de la société, qu’ils votent et maintiennent un idéal. Mais que sont ces anémiques et secondaires réformes que les politiciens nous proposent en face de cette puissante industrie qu’est aujourd’hui l’économie de marché, vénale, sans foi et pire, régie par des lois coercitives que nous ne pouvons abroger ?

Le fait est que nous avons peur de voir nos acquis s’écrouler, nous avons honte aussi de rebrousser chemin, comme celui qui tombé dans une secte infamante se rend compte de son erreur mais y reste pour ne pas perdre tout ce qui a fait de lui ce qu’il était.

Voilà ou se situe certainement le dilemme. Je considère le monde comme existentiellement malade car trop individualiste. C’est une thérapie géante qui lui faudrait. Il n’est pas difficile de constater que les rapports que nous entretenons les uns avec les autres sont devenus trop mécanique, presque inhumain. Une étude démontrait récemment que le premier sujet de conversations entre les hommes était le foot. Le deuxième, un peu plus naturel déjà, étant les femmes. Nous ne parlons plus des sujets qui touchent directement à notre condition, à notre existence  Nous avons perdu la notion du lien collectif, du tissu social duquel nous faisons partie. Retranchés dans la solitude lorsqu’il s’agit de porter un jugement sur les exactions perpétuées à l’encontre de l’humanité, la volonté de révolte se mue en un dégout résigné puis en indifférence. Processus naturel qui nous évite certainement de devenir fous. Voici la cause du consentement tacite de nos congénères, automatiquement mise en place par le mode de vie que nous menons.

Ce qui m’amène enfin à notre sujet. L’idée d’utiliser la philosophie comme un outil thérapeutique ne devrait pas se limiter à un contexte entre le « docteur » et son patient. La philosophie, au sens où tu l’entends, (connaissance consistant à développer un esprit critique dans le but d’être apte à choisir ce qui est le mieux pour soi et donc corollairement pour les autres en tant que membre d’une société) devrait être à la base même de notre éducation. Dans la pratique, le cabinet philosophique dont nous parlions devrait s’étendre à plus grande échelle. Les hommes ont besoin de débattre, de se sentir unis, de connaitre l’avis de l’autre pour mieux se forger des convictions. L’idée ici serait de créer un mouvement qui réunisse les individus, qui reconstitue le tissu social par la mise en place de salons de discussions ou quelque chose dans le genre…  Un effet de synergie est recherché ; c’est en voyant le potentiel de chacun en l’autre qu’une action collective peut voir le jour.

Enfin, pour le reste, je ne sais pas quelle forme cela pourrait prendre. Il faudrait y réfléchir.

Publié dans Philosophie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article