L'anti-nature de la conscience
Nietzsche réévalue ici le précepte moral stoïcien de vivre selon la nature. Il lui oppose la vérité
"Vous voulez vivre " en accord avec la nature " ? Ô nobles Stoïciens, comme vous vous payez de mots ! Imaginez un être pareil à la nature, prodigue sans mesure, indifférent sans mesure, sans desseins ni égards, sans pitié ni justice, fécond, stérile et incertain tout à la fois, concevez l'indifférence elle-même en tant qu'elle est une puissance, comment pourriez-vous vivre en accord avec cette indifférence ? Vivre n'est-ce pas justement vouloir être autre chose que cette nature ? La vie ne consiste-t-elle pas à juger, préférer, être injuste, limité, à vouloir être différent ? Et à supposer que votre maxime " vivre en accord avec la nature " signifie au fond " vivre en accord avec la vie ", comment pourrait-il en être autrement ?"
Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal (1886) Partie I